Cette semaine c’est Loïc H. Rechi qui s’est prêté au jeu des questions pour Amalgame. Il est journaliste et vient de réaliser son premier film documentaire avec Jonathan Millet: « Ceuta douce prison ».

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AM. Peux-tu te présenter et nous parler de « Ceuta, Douce Prison » ?

L.H.R. « Ceuta, douce prison » est un documentaire de quatre-vingt dix minutes que j’ai co-réalisé avec mon ami Jonathan Millet. C’est un film qui plonge le spectateur dans le quotidien répétitif et très dur à encaisser psychologiquement de migrants venus du Cameroun, d’Inde et de Somalie. Ces migrants ont tous fait un très long voyage. Ils ont traversé plusieurs pays, le désert du Sahara, le détroit de Gibraltar sur des bateaux gonflables. Il va sans dire qu’ils ont risqué leur vie à mille reprises, ont perdu des amis en route et ont souvent été victimes de violences au cours d’un voyage atroce qui a duré plusieurs années pour certains d’entre eux. Mais ils entreprennent tout ça parce que ces mecs rêvent d’Europe. Et en entrant dans Ceuta, ce petit territoire espagnol situé au nord du Maroc, tous pensent alors qu’ils ont enfin atteint leur rêve. Et là ça vire à l’enfer pour eux, la faute à la situation très particulière de Ceuta. Bout d’Europe en Afrique, Ceuta – qui est protégé par un immense grillage militarisé de six mètres de haut – est soumis à un régime administratif particulier. L’enclave ne fait pas partie du territoire de Schengen. Dès lors, quand bien même ils ont réussi à franchir le mur, en passant par la mer, ils se retrouvent enfermés dans une prison à ciel ouvert, sans savoir combien de temps ils y resteront. Ils sont tributaires d’une décision administrative du gouvernement, qui peut d’ailleurs les expulser à tout moment. On a commencé à travailler dessus en mars 2010, en y allant une première fois et c’est au retour qu’on a trouvé un producteur, Zaradoc. On a tourné le film en 2011. Ensuite on l’a monté, mixé et étalonné en 2012 avec des gens tous excellents dans leur domaine et depuis novembre 2012, il est visible dans des festivals aux quatre coins de la France. Maintenant, on va essayer de trouver un distributeur qui pourrait avoir envie de nous accompagner une sortie dans quelques salles en France.

AM. Quels sont tes projets à venir?

L.H.R. Le film devrait encore bien nous occuper avec Jonathan cette année. Il y a toujours un truc à faire, un endroit où aller le présenter. À côté de ça, je travaille au quotidien sur Snatch magazine. Ça, c’est une autre aventure qui dure depuis deux ans et demi. C’est un travail assez titanesque au quotidien parce qu’on essaie vraiment de faire un canard qui soit un peu différent de ce qu’on trouve dans les kiosques sur le même créneau. On essaie de défricher culturellement, on s’intéresse aux marges de la société, on discute longuement avec des gens qu’on s’attendrait pas forcément à voir dans un magazine fait par des mecs de 25-30 ans. C’est le cas quand on va parler deux heures avec Charles Pasqua ou Henri Guaino. En fait, on essaie juste de revenir aux bases du journalisme, à savoir enquêter longuement quand on s’attaque à un sujet, parler au maximum de gens possible, laisser de la place aux journalistes et ne pas hésiter à faire dix pages sur un écrivain marocain méconnu si on considère que ça en vaut la peine. Et puis aussi, on essaie d’insuffler nos états d’âme, notre perception de l’époque. Mais on est pas encore des vieux cons donc on s’attelle aussi à proposer des papiers avec des sujets plus détendus, des séries de photos qui font sourire. Bref, on essaie de défendre un ton quoi.

AM. Où peut-on te trouver à l’heure de l’apéro?

L.H.R. Dans des petits rades pourris du 10ème et du 11ème ou chez des copains.

AM. Si tu pouvais te téléporter, où est-ce que tu serais là tout de suite?!

L.H.R. Là tout de suite, je serais tenté de te dire dans un petit bled au Texas où vit un type sur qui je meurs d’envie d’écrire un truc, mais je peux pas te dire qui ni quoi, j’aurais trop peur qu’on me tire le sujet. Mais sinon, j’attends assez impatiemment le mois de mars parce que je me casse un mois chez les Viets.

AM. Quel est le morceau que tu écoutes pour trouver l’inspiration? Quel est ton morceau préféré inavouable?

L.H.R. Plus que l’inspiration, je t’avoue que j’aime bien écouter du Philip Glass quand j’ai besoin de m’isoler un peu pour écrire tout en ayant un truc avec des nappes suffisamment répétitives pour que ça ne flingue pas la concentration. Après pour ce qui de la seconde partie de la question, j’ai vraiment du mal à faire des listes des trucs que je préfère dans la vie. Mais si je te dis que je kiffe Michel Berger ou Daniel Balavoine, ça rentre dans la case inavouable ?

AM. Quelle est ta dernière folie?

L.H.R. Ma folie quotidienne, c’est vraiment me lever tous les jours pour aller bosser sur Snatch. Quand je vois l’énergie qu’on y fout, le temps qu’on y passe et la misère que ça nous rapporte… Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore comme dirait Booba. Bon, à moins que ce soit un autre en fait…

AM. Enfin, peux tu nous dessiner quelque chose?

Bon, je sais que je devais dessiner et c’est pas le meilleur de mes talents. Du coup, je vais tricher un peu et proposer à la place un dessin de Ralph Steadman, fidèle destrier d’Hunter S. Thompson. C’est un dessin tiré du livre The Curse of Lono (dont le texte vient de sortir en version française sous le titre « Le marathon d’Honolulu »). Je viens de le finir, c’est absolument délicieux à lire, et pour la version avec les dessins, elle est ressortie chez Taschen il y a quelques années.

Ralph Steadman-amalgame

Retrouvez ci-dessous, la programmation de toutes les prochaines projections de « CEUTA, Douce prison »

Ceuta-Projections

27 janvier

– Festival « Bobines Sociales » – Paris au studio de l’ermitage à 13h – Projection-débat.

– Festival International du Film des Droits de l’Homme à Cran-Gevrier (74). Cinéma La Turbine à 18h

31 janvier

– Festival Regards sur le Cinéma du Monde Rouen – UGC Ciné Cité à 16h et Omnia République. 20h45. Projection-débat.

6 février

– FIFDH – Festival International du Film des Droits de l’Homme Paris. Cinéma Le Nouveau Latina à 13h45.

– FIFDH – Festival International du Film des Droits de l’Homme Pantin. Ciné 104 à 20h – Projection-débat.

7 février

– FIFDH – Festival International du Film des Droits de l’Homme Paris. Cinéma Le Nouveau Latina. 17h40 Projection-débat.

14 mars

– Huitième édition de la Décade cinéma et société : Etranges étrangers Tulle. Projection-débat.

 

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